Ces avocats ont quitté sans hésiter leur arbre le 10 novembre car je leur avais assuré qu'ils seraient bien traités, comme toujours. Ce n'est pas facile de quitter son arbre, son verger et son beau village de Moncarapacho. Avant de partir, une photo souvenir les avait rassemblés une dernière fois.

C'est vrai qu'ils sont si souvent maltraités dans nos filières modernes de distribution; aimeriez-vous de cette façon prendre le risque de finir votre vie tout mou et noirci, tranché sur tout le long et gavés de crevettes translucides trempées dans une mayonnaise "light", sur une table de restaurant quelconque ou même malheureusement familiale...

Cette épreuve du froid fut bien courte ce matin, juste pour leur rappeler que leur arbre nourricier vit encore au coeur d'un climat dont ils ne soupçonnaient pas la douceur jusqu'à ce matin. Mais ils ne m'en veulent pas ou si peu, ils continueront de s'attendrir quelques jours pour enfin livrer leur onctuosité charnue simplement relevée d'un jus de citron et de 2 tours de moulin à poivre.

Et puis, le plat qui les porte les isolait d'une herbe glacée et ce matin d'un manteau épais de neige, car ce plat était encore lui aussi au chaud il y a peu, chez l'artisan qui l'a façonné, à Monchique. Certains avocats prolongeront la fête en se mêlant aux piment, oignon, coriandre vert, tomate, lime pour jouer au guacamole, une idée venue des cousins du Mexique. Dans leur pays, ils auraient choisi le miel, une idée des cousins d'Afrique cette fois.

Dans le Nord de l'Europe (j'y connais de fervents amateurs), proposez-leur de dignes crevettes, des oeufs de truite et du saumon fumé, ils vous en seront très reconnaissants. Je vous en laisse seul juge. Il est l'heure maintenant de passer à la première audience, la parole est à la défense...

Maintenant que la première dégustation de la saison est consommée, voyons un peu ce que devient cette neige. Ce mercredi 25 novembre, elle est toujours là mais plus pour longtemps. Mais pour moi qui vais effectuer dans une semaine ma grande transhumance vers le ciel du sud, elle aura nappé la terre ardennaise d'une grande lumière brillante en signe d'adieu définitif, éclairant d'une manière fugace le règne du gris. Voyez plutôt ce que ça donnait ce samedi 28 en fin d'après-midi, et on en a parlé durant toute une semaine.