C'est à partir du Cap
Saint-Vincent que se profile vers le nord la Costa
Vicentina, jusqu'à la localité d'Odeceixe, quand le
pont sur la Ribeira de Seixe vous fait passer en Alentejo.
Carrapateira,
que nous avons visité précédemment, est un lieu bien connu de
cette partie du littoral de la côte vicentine.
La Costa Alentejana, encore plus sauvage
peut-être à cause d'un schiste sombre et tourmenté,
la prolonge jusqu'à l'important port pétrolier de Sines,
après un dernier magnifique sursaut rocheux à Porto
Covo.
Plus au nord, en Alentejo, jusqu'à la pointe de Tróia,
en face de Setúbal, elle s'étire sur les longues plages
(praias douradas) de la Costa da Galé.
Un peu plus au sud, il existe bien des endroits sauvages
dont l'approche peut être assez difficile. Quelques fermes pratiquant
l'élevage et de rares petites maisons blanches ponctuent les grands
espaces herbeux et venteux accessibles par les pistes qui partent
des environs du cap, au bord de la solitude des falaises.
On peut se perdre sur les pistes qui longent les falaises,
vous disais-je lors de la visite à Carrapateira. Je n'hésite
pas cette fois-ci alors que j'en ai le temps. Un chemin
m'amène au dessus de la secrète Praia
do Telheiro, bien au-dessus car il me faut procéder à
une descente raide à travers les rochers pour saisir la récompense
à mes pieds.
Suivre selon son intuition tous ces chemins est de loin
la meilleure façon d'apprécier la région. De temps à autre, je
laisse mon véhicule et j'emprunte les anfractuosités du paysage
pour gagner d'hypothétiques plages que je voudrais inconnues et
inviolées.
Le bout de ces chemins, on ne l'aurait pas cru, finit
par rejoindre la petite route qui mène à la Praia
do Castelejo ou à sa voisine la Praia da Cordama.
C'est ici que le schiste prend possession des falaises et que
la sauvagerie prend vraiment le dessus.
Pour progresser vers le nord, vers Carrapateira,
le passage est obligatoire par Vila
do Bispo et en suivant la N 268, à bonne distance du bord
de mer, ce sera ainsi jusqu'au bout. Quelques rares chemins fendent
des collines couvertes de cistes, qui s'abaissent doucement vers
le bleu d'un horizon que l'on distingue à peine.
A hauteur de Bordeira, je peux déjà repartir sur des pistes
qui s'approchent des falaises mais je préfère passer
par la petite route qui mène à Monte Novo.
La petite plage de Vale Figueiras m'attend derrière
un dédale de chemins poussiéreux. Des pratiquants solitaires de
surf la fréquentent parfois mais on y est généralement seul, du
moins on y trouve un coin tranquille facilement.
Je m'installe souvent sur un balcon de schiste au ton
chaud, lissé et ciré depuis des lustres par le roulement des vagues
en colère. Je reste souvent longtemps à cet endroit, sans doute
parce que c'est mon premier point d'arrêt de la journée et que
le jeu des vagues sur les galets noirs finit par m'hypnotiser.
Vers la gauche, à proximité, en plein vent, la mer se
sublime dans des embruns violents qui grimpent à l'assaut des
hautes falaises déjà sombres, de quoi vous sortir vivement de
vos rêves éveillés.
A droite, très loin, un trait blanc sur la falaise, Arrifana
perché sur son promontoire, où une petite route plage vers une
plage déjà bien fréquentée, body board et surf obligent. Quelques
bons restaurants m'y attendent, le choix est intéressant,
puis également de quoi tenter de reprendre ses esprits en tentant
de gagner à pied la très isolée Ponta da Atalaia un peu
plus au nord.
Pour arriver à Arrifana, il m'a fallu repartir
en arrière et réutiliser la N 268 puis N 120 pour monter
à gauche un peu avant Aljezur. Il y a dans les environs
un homme d'origine nordique qui fabrique avec une grande
qualité et vend en direct différentes sortes de poissons
fumés à chaud ou à froid, c'est selon, on y trouve même
des anguilles comme dans le nord et qui me rappellent celles
que je dégustais à chaque occasion possible du côté d'Enkhuizen
en Hollande.
De dénicher cette fabrication est assez surprenant et
décalé dans cette région où le parfum capiteux du ciste vous accompagne
depuis que la première pierre de schiste est apparue à vos yeux.
En revenant d'Arrifana, je suis curieux de
bifurquer vers l'immense lotissement éternellement en construction,
Vale da Telha, parsemé de villas plus ou moins distantes,
terminées ou en chantier. Nous sommes pourtant ici dans
le Paisagem
Protegido do Sudoeste Alentejano e Costa Vicentina,
cette immense exception en confirme la règle.
Derrière ce dédale de rues en carré, du fond de ma rage,
vous peux gagner directement par l'arrière ou mieux, refaire une
boucle par l'est vers le petit village de Monte Clérigo,
mi-pêcheurs mi touristes mais fait de petites maisons simples
et colorées. Ce que je vois clairement aujourd'hui est parfois
voilé par des volutes de sable léger soulevées par le vent qui
s'engouffre dans ce lieu exposé.
De l'autre côté, on accède par le dessus à une belle vue
sur l'estuaire de la Ribeira de Aljezur et sur la grande
Praia da Amoreira, très accessible et donc relativement
peuplée les jours de repos.
Les lieux enchantent encore, depuis
longtemps d'ailleurs: "Je découvre
ou redécouvre des endroits que j'ai moi-même visités et
appréciés: la côte vicentine, Aljezur, Arrifana et alentours
étaient il y a quelques années notre refuge de fin de semaine.
Déguster une lamproie au restaurant "Pôr do Sol" perché
sur une falaise, descendre jusqu'à la plage d'Arrifana- quelles
sensations pour une conductrice peu habituée aux chemins escarpés!!!
Admirer les battements les vagues sur les hautes falaises,
observer les pêcheurs de
perceves et de sargos, se baigner nus à la plage
d'Amoreira plus connue à l'époque (il y a 15 ans au moins)
sous le nom de "praia dos nus ou dos alemães", dîner et
veiller autour de la cheminée du restaurant de Vale da Telha...
que de souvenirs!"
Le destin d'Aljezur s'accomplit perceptiblement
de nos jours dans les avancées immobilières et dans l'aménagement
du réseau routier et de ses abords. On est en Algarve tendance
touristique et Aljezur nous le fait savoir de plus en plus. On
ne le penserait pas en parcourant cette tranquille petite bourgade
coupée en deux par une vallée verte garnie de grands potagers
où la pomme de terre est reine.
La spéculation immobilière bat son plein dans les environs
que les étrangers nordiques affectionnent, créant presque un ressentiment
de la population locale envers ces mêmes étrangers, principalement
allemands. Dans l'arrière-pays, de vieux cabanons sont rachetés
par des agences spécialisées du littoral, sont retapées, décorées
voire cachetées, prêtes à dégager toute la mémoire du pays et
revendues ensuite à un prix décuplé.
Personne avec qui partager mes doutes sur la cavale du
destin d'Aljezur, je continue vers le nord, dans l'épanchement
d'un relief plat qui m'accompagnera jusqu'en Alentejo et au delà.
Le charme a disparu, une longue ligne trop droite et grise m'amène
à Rogil dans un paysage décharné.
En voyant ma flamme pâlir devant ce mouvement du cœur,
je me tricote un habit de fortune de la couleur de mes rêves.
Tout est bien plus beau quand il y a la mer alors il faut que
je la retrouve bien vite.
Rogil a un mérite, celui de m'arrêter dans ma course,
simplement pour contenter les besoins de mon véhicule.
J'en profite pour trouver un chemin d'urgence vers une
nouvelle insouciance. Une trop belle piste et me voilà rapidement
à la Praia Vale dos Homens, modèle de la plage facile,
celle où tout le monde va parce que accessible en voiture.
De retour à Rogil, une indication vers Praia
da Carriagem qui comblera peut-être l'urgence. La piste jaune,
d'un premier abord facile, crapahute longuement dans le relief
et se transforme finalement en impasse hautaine.
Personne, pas de plage, juste un magnifique promontoire
sur le grand bleu. Puis je remarque un vague sentier qui s'insinue
dans les rochers et la végétation et qui me conduit vers une magnifique
plage cachée et presque mystérieuse, ornée d'un schiste se prêtant
à toutes les fantaisies.
C'est une des merveilles de cette côte, une plage connue
apparemment de quelques naturistes comme j'en distingue quelques
uns au loin. Une longue, longue pause dans ce lieu que j'espère
irréductible et je me risque à rejoindre la Praia da Amoreira
par un chemin qui me semble y mener, avec succès.
A Odeceixe, lieu de villégiature bien connu des
allemands, que l'on découvre par les toits, possède une plage
similaire et un estuaire similaires à ceux d'Aljezur. La
Ribeira de Seixe forme la limite avec l'Alentejo.
L'Alentejo est là, devant moi. C'est en face
que commence la Costa
Alentejana, ou litoral do sudoeste alentejano,
dans le petit port d'Azenha do Mar, premier arrêt
de la prochaine page consacrée à cette partie du littoral.
Après avoir traversé une zone pleine de controverse, à
Brejão, nous gagnerons Zambujeira do Mar, Cavaleiro
et le Cabo Sardão, où, de ce très haut reposoir, on laisse
vaille que vaille tomber en miettes tous les affres de nos futilités.