Sur
la route de mon moulin
préféré, je me laisse souvent tenter
par l'achat d'une bouteille d'eau de vie d'arbouse. La distillation
de ce fruit si familier des terres schisteuses de la Serra
do Caldeirão donne une aguardente bien robuste
et rustique de corps mais si subtile d'esprit. Comme les quelques
feuilles de ciste que je ramène à chaque voyage,
le parfum du medronho vous transporte illico dans ces
collines tant de fois visitées.
En venant
de São Brás de Alportel, j'ai tout le temps de me préparer.
En suivant la sinueuse N 2, le schiste apparaît brusquement
sur les hauteurs d'Alportel. Quand j'y passe en automne,
j'essaie de repérer en passant les petites boules rouges
qui peuplent les arbousiers (Arbutus unedo, Medronheiro).
Je me rends compte de cette façon si la prochaine récolte
sera bonne.
C'est
à Besteiros que je m'arrête enfin, le
nez et la bouche alertes malgré la soirée de
la veille bien arrosée. Ce dimanche, personne à
la porte de la petite maison blanche. Tiens, le rosier grimpant
a disparu. Mais la dame ne doit pas être loin, le dimanche
est son jour.
Je
me souviens aussi qu'une lectrice était passé
par là en février, et qui nous narra
ensuite sa visite. Tout ça me laisse le temps
d'observer par la petite fenêtre ouverte les bouteilles
bien alignées sur la table et la fiole d'échantillon
prête pour la dégustation.
Après
avoir tambouriné un petit moment sur la porte métallique,
le rituel commence. La brave dame accourt en pestant contre ce jour
de grand vent froid, celui qui vient d'Espagne et qui n'apporte
jamais rien de bon. Elle feint le débordement mais m'ouvre
grand sa porte en me vantant ses petits fromages qui ne valent pas
le détour.
J'insiste
pour ne pas déguster son breuvage car je le connais
bien et puis la soirée de la veille oblige. Bien sûr
la récolte n'a pas été bonne, bien sûr
que c'est tout un travail. Bref, chaque année, on laisse
500 escudos de plus à la bouteille mais qu'importe,
ce parfum est unique. On en est quand même à
3500 escudos (17.50 euros). Rien à voir
avec les flacons étiquetés que l'on trouve dans
le commerce qui vous brûlent le palais et dont le parfum
est celui de l'alcool rajouté.
fruits mûrs de l'arbousier |
par la fenêtre |
medronheiro |
Je m'assure
que le bouchon supportera le voyage car il n'y a pas que les appareils
électroniques qui distraient les avions. La gentille dame
prend congé en me souhaitant, il n'est jamais trop tôt,
un Joyeux Noël dans mon pays, Feliz Natal na sua terra.
On se reverra au prochain siècle...
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