Dimanche
midi en septembre.
La
pluie a rafraîchi l'air et la terre durant toute la semaine, c'est
tôt dans la saison. Le vent d'ouest nettoie l'atmosphère depuis
une bonne heure déjà. Tout est d'un calme rassurant ou inquiétant,
c'est selon lhumeur.
Devant
la chapelle où je casse la
croûte lentement, jentends les bruits des hommes venant du
monte qui se trouve un peu plus haut. Une dame que je connais mais
qui ne se rappelle plus de moi va et vient devant sa maison, en
se cachant maladroitement, se demandant ce que je suis venu voir
dans son village.
Elle
décide de faire sa vaisselle comme tous les jours à lextérieur,
dans une bassine qu'elle va remplir en face. Des coups dil
furtifs dans ma direction me rappellent que tout le côté-ci
de ce village commence à mobserver. La séance de vaisselle
se prolonge, elle ne sera jamais plus aussi propre et brillante
que ce dimanche.
La
chaleur se fait présente, les bruits sabsentent. Les gens
shabituent à ma présence et repartent à leurs inoccupations.
Nos mondes parallèles coexisteront le temps de ma présence mais
ne se toucheront pas ou si peu. La dame qui ne se rappelle plus
de moi descend parfois me proposer douvrir la chapelle pour
voir les azulejos magnifiques qui se trouvent à lintérieur
et sétonne toujours de voir la photo de sa chapelle dans un
livre anglais que je lui tends.
Une
autre fois, nous négocions longuement louverture de la porte
qu'elle me laisse en échange de la vente dun billet de loterie
locale dont à coup sûr je devrais gagner le gros lot. Cette fois-ci,
rien, et au bout dun long moment, le silence a repris complètement
le dessus.
La
force de cette heure passée hors du temps surexpose les futilités
de notre vie de loup et de fou dans laquelle je replongerai demain
mais avec chaque fois un peu moins de folie. On aimerait en parler
aux personnes qu'on voit là, mais nos chemins sont différents. Le
passé a été ici misérable et lavenir est incertain dans ces
grandes propriétés de lAlentejo, où la réforme agraire intervenue
après la révolution a tourné sur elle-même.
La
société moderne de consommation les atteint maintenant rapidement,
lélectricité a été installée il y a déjà longtemps, les automobiles,
puis le téléphone, la télévision commerciale (surtout la SIC,
3ème chaîne privée, un sommet dans le genre) leur apprennent le
reste, la piste poussiéreuse qui menait au village vient dêtre
recouverte de bitume, les paraboles captant les satellites fleurissent
partout. Mais d'un autre côté, des actions de développement
rural diversement appréciées sont menées dans
cette zone.
Que
faire de ce silence,
de cet espace,
de cette lenteur,
de cette lumière,
de ce vent
de ce ciel ?
Dimanche
27 septembre 1998, de 12 à 13 heures.
°°°
Montes Santana se
trouve sur la route qui borde le sud de lAlentejo, qui chemine
un peu au nord de la ribeira de Vascão, celle-ci formant
la frontière avec lAlgarve.
Monte qui veut dire hameau ou métairie prend un " s "
ici car ils sont deux à former un ensemble de 2 petits hameaux situés
à 500 mètres de distance.
Celui qui est en bas s'appelle
Monte Santana de Baixo. Monte également parce que ces petits
hameaux sont situés généralement sur le dessus dune petite
colline. Celui qui nous occupe est le plus petit, situé vers le
sud. Cest en arrivant quon découvre la magnifique chapelle Igreja de Nossa Senhora,
qui veut dire église de Notre Dame.
Montes Santana fait partie
de la freguesia (littéralement : paroisse) de São Miguel
de Pinheiro, dans la zone d'intervention de l'Associação In Loco
du programme
leader européen , ce village faisant partie lui même du
concelho de Mertola (municipalité, commune). Au Portugal, les concelhos
sont un peu léquivalent des communes qui ont été fusionnées
en Belgique alors que la France conserve au titre de commune léquivalent
des freguesias portugaises.
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