En
cette journée de mars trop chaude, je brûlais
de me retrouver dans cette
petite vallée de la ribeira de Odelouca,
pas très loin des collines où elle trouve
sa source. Depuis une année que je n'y étais
plus allé, je l'ai retrouvée tranchée
vive par le progrès.
Je
n'ai jamais revu les arbres où je prenais l'ombre
au bord de la rivière naissante. Le vieux fermier
que je rencontrais d'habitude dans ces parages ne trouvait
plus le chemin pour conduire ses trois vaches brouter l'herbe
dans les recoins verts qui avaient disparu. Il m'a fallu
pousser bien plus loin vers São Barnabé
pour ne plus ressentir la blessure aussi vivement.
Bien
sûr, j'ai rencontré d'autres arbres, d'autres
gens et d'autres vaches. Et même des paysans qui croyaient
que je voulais acheter leur âne - Quer comprar
o animal ? - alors que je m'approchais d'eux pour en
savoir plus sur leur façon de planter les pommes
de terre.
Bien
sûr, je trouverai toujours, pour l'honneur, pour la
conservation du titre, une autre colline à franchir,
un autre horizon à ouvrir. Je mets du pays de côté
de peur d'en être privé un jour. Si je savais
où je vais, je saurais d'où je viens, puisque
j'y retourne ...
Dans
quelque temps, à chaque instant de liberté
moderne, le pays entier déboulera de Lisbonne comme
un TGV automobile par cette nouvelle autoroute (auto-estrada)
du soleil pour noircir les plages du sud. Personne ne regardera
cette vallée qui marque l'entrée en Algarve.
Personne non plus n'aura vu l'Alentejo qui la précède.
Tout le monde a droit aux plages aseptisées et formatées
mais un lundi ne sera jamais le dimanche.