Carrapateira, vendredi 21 avril. Fuyant le Cap Saint-Vincent noir de touristes, nous sommes descendus sur l'immense praia da Bordeira, où nous attendons le soleil. Encore 30 minutes et la barre nuageuse du large sera dans les terres. Plage quasi déserte, on se pose sur la berge en sable de la Ribeira da Bordeira à quelques dizaines de mètres de la mer. Entre deux marées, le courant de la rivière hésite, venant du grand estuaire en cours de comblement naturel.

Un homme venant du village s'avance à pas peu pressés le long de cet estuaire. Il observe furtivement les mouvements à la surface de l'eau. A ce moment précis, un poisson, presque hors de l'eau, déboule devant nous en claquant les nageoires pour regagner prestement la mer.

Nous n'avons pas le temps de réagir que le phénomène se reproduit aussitôt. L'homme, resté vers l'estuaire, s'agite de plus belle. Les enfants se joignent à cette pêche surprise. De grands gestes, l'eau qui éclabousse partout, des cris et enfin une capture. Tout se calme. Le courant s'affaiblit, les autres poissons attendront avec raison la prochaine marée.

L'homme s'approche de nous, exhibant fièrement sa capture. Il nous explique qu'il n'est pas pêcheur mais habite à Carrapateira, juste derrière. A cette époque de l'année, il vient souvent ici à ce moment de la marée. Il y a ces poissons qui se tiennent dans l'estuaire, pour pondre, nous dit-il. Ils sont assez faciles à capturer quand certains d'entre eux regagnent la mer un peu tardivement alors que la rivière est très basse.

Mais quel est donc ce poisson qu'il tient dans les mains, long d'une quarantaine de cm, la tête plate, les écailles argentées et le dos gris souris. C'est du sargo affirme aussitôt l'homme et il nous raconte de nouveau toute l'histoire en précisant cette fois ci qu'ils sont délicieux à manger. Bon, je ne suis pas spécialiste en poisson (je les étudie quand même) mais lui non plus apparemment. Du sargo, j'en doute un peu. Le sargo fait partie de la grande famille des dorades (douradas) et ne lui ressemble pas du tout. Celui-ci paraît être un mulet (tainha) un peu petit certes mais bien reconnaissable surtout avec sa tête aplatie.