Ma
découverte de ces régions passe souvent par une fenêtre
étroite dans le temps. Je profite donc au maximum de ces
rares journées car c'est avant tout mon métier qui m'occupe
lors de mes séjours, je n'y suis pas en vacances.
Partir
dans les fonds reculés de l'Alentejo et revenir le soir
même à Faro ne me laisse pas le loisir de voyager
à pied ou de manière lente comme je le ferai un jour quand
j'aurai fini de tisser ma toile. La vraie découverte commence
alors dès que l'on quitte les rares grands axes ou au
hasard des signes qui m'interpellent sur ma route. C'est
donc en voiture que je me lance ces journées-là pour rejoindre
rapidement les lieux convoités.
Premier signe de quiétude
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L'Algarve
du littoral est bruyant pour les oreilles comme pour les
yeux, saturé des couleurs et des lumières de la ville,
d'artifices exotiques et du vacarme du Portugal nouveau.
La
première heure de route me rend nerveux, une grande hâte de
respirer la quiétude, juste après les dernières collines, comme
ce dimanche matin un peu avant d'arriver à Mértola, quand
l'espace enfin s'ouvre dès les premiers mètres en Alentejo.
Premier signe de calme en passant le Guadiana, un chien
s'installe dans l'ombre de la voiture pour se reposer avant
de reprendre sa lente traversée du pont.
Le contraire du compliqué...
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L'Alentejo
est le contraire du compliqué. Les lignes pures et longues du
paysage, l'horizon clair et ouvert ainsi que la seule couleur
blanche des villages ont la simplicité qui repose et la grandeur
qui éblouit. Même les couleurs pourtant vives du printemps coexistent
calmement.
Tout
devient quiétude sans être silence ni lenteur, un magnétisme
et une noblesse qui forcent au respect et à la discrétion.
Peut-être que sur ces terres oubliées, il y a une certaine
résistance à une forme de développement anarchique, résistance
induite à la fois par le manque de moyens et par la dignité
des habitants.
Le
ressourcement demande à gagner l'âme et l'estomac crie famine
alors que la lumière se hisse au sommet. Il est l'heure de se
perdre quelque part.
Pour
ne pas perturber le cours des choses, j'emmène toujours de quoi
rassasier l'appétit du corps. Un arbre et son ombre sur le haut
d'une colline et je coupe tous les moteurs.
Une
table de schiste improvisée, quelques vrais paposecos
"da serra", du jambon serrano, une
tomate et ultime douceur, un pastel de nata improvisent
souvent une variante personnelle de la pitance monacale.
Et
puis, je reste là, le regard dans le vent, en ouvrant bien fort
ce qui n'était qu'une fenêtre étroite dans mon temps et qui
devient une part de l'éternité.
Mais
un autre haut lieu m'appelle là-bas à la frontière de
l'est, près de Barrancos, le Castelo
de Noudar, que je vous conterai une autre fois, en
passant d'abord par Safara.
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