Le
1er mars, Sylvie Wallez m'écrivait de Belgique :
Bonjour.
Depuis longtemps, l'envie me tenaillait de me rendre au Portugal.
C'est chose faite. Après maintes difficultés - les avions
sont complets ! et non, je ne veux pas partir " une semaine
tout compris pour un prix dérisoire "-, je pars le 19/03,
pour 10 jours. C'est court mais je ne peux partir plus longtemps.
Pas évident quand on refuse de tomber dans le schéma du tourisme
de masse privilégié par les agences. Finalement, j'ai un billet
pour Faro
et une réservation de voiture. Pour le reste, la débrouille.
Je ne veux pas tomber dans un grand hôtel ou tout autre piège
à touriste avec piscine chauffée / couverte, plongeoir, G.O.,
discothèque, faux folklore et cuisine internationale. Je suis
un peu horrifiée par tout ce que j'ai pu trouver. Je ne voyais
pas vraiment mon séjour ainsi...
Je
commençais à désespérer quand j'ai atterri sur votre site.
Une bénédiction ! Ça sent l'amour du pays et l'authenticité.
Un vrai régal. Je n'ai aucune honte à dire que je vais mettre
mes pieds dans quelques unes de vos traces. J'avais l'intention
de me baser à Tavira
ou tout près, au calme, pour pouvoir humer l'air, m'imprégner
de la beauté des lieux, de la lumière, des odeurs... et faire
des incursions dans l'arrière pays. Alors, si vous pouviez
me conseiller quelques endroits où loger, cela me ferait très
plaisir. Bien sûr, je peux toujours m'en remettre à un guide
ou aux brochures que va m'envoyer l'office du tourisme mais
l'expérience d'un amoureux de la région prévaut. En contre-partie,
je pourrais vous faire parvenir, en toute modestie, mon carnet
de voyage, mes expériences et découvertes, afin que cela puisse
servir à d'autres.
Quoi qu'il
en soit, c'est votre Algarve que je voudrais rencontrer. Au
plaisir de vous lire, Sylvie Wallez.
PS : vos
photos sont exceptionnelles. Au-delà de l'image, ce sont des
moments,
des tranches de vie, des odeurs, des bouts de mémoire. Rares.
Le
30 mars, retour de voyage :
Bonjour,
Je suis déjà de retour, ça passe si vite. Juste quelques mots
pour essayer de traduire l'émotion que je garde de ce pays
: senteurs, lumières, couleurs, voilà en bref pour les paysages;
accueil, chaleur, sourires, voilà en bref pour les gens. Jamais
je ne fus à ce point reçue, entourée, guidée, portée dans
un pays.
Une
fraise, du mimosa, les arbousiers,
une orange maraudée, le marché d'Olhão, un porto chez Anazu,
une cataplana
à l'alentejana (O
Tamboril), des sardines dodues à Portimão,
une dégustation de vin rouge de l'Alentejo (Belmar),
le goût du pain
acheté au marché, des azulejos, des cigognes citadines,
un berger
et ses chèvres, des pistes du côté de Beliche, étendues
solitaires à Foia, la
petite vieille et son Aguardente do Medronho,
le moulin
à la frontière de l'Alentejo, Monchique, un orage mémorable
au retour d'Alte, l'odeur de la lavande
camphrée, de la fleur
d'oranger et de l'eucalyptus, ... Séjour exceptionnel.
Nous
avons parcouru le sud avec un bonheur chaque jour plus grand,
l'arrière pays
nous ramenant toujours à lui pour nous offrir nos plus intenses
coups de coeur. Nous sommes restées basées à Tavira, très
exactement Almargem, pendant tout notre séjour. Un
coin de paradis, en pleine nature, avec vue sur les plantations
d'orangers, et, au loin, le dodelinement des premières collines
de l'arrière pays.
Son propriétaire,
Rui Pita, est d'une rare gentillesse, accueillant et
plein d'humour. Son gîte rural, beau et confortable, est idéalement
situé. La nuit, on entend juste le bruissement du vent dans
les branches, le chant des grillons et le coassement des grenouilles
qu'une petite mare attire dans le jardin. En partant mardi,
j'ai dit que je ne lui ferai pas de publicité, désolée. Il
faut qu'un tel endroit reste confidentiel... Je crois que
vous savez garder un secret.
Au retour,
le choc est énorme : il fait gris et froid (2,5 °C), la pluie
ne tarde pas à tomber. Le pire était à venir : le photographe
chez qui j'ai déposé mes films a gâché le développement des
4 pellicules que je lui avais confiées. Il me prétend que
mes films sont sous-exposés et qu'il n'y peut rien. J'ose
mettre la qualité de son travail en doute. Il se fâche : quand
on ne sait pas prendre de photos, on s'abstient, etc... Je
lui promets une publicité digne de son travail.
Diagnostic
par un ami photographe : mes films ont été sous-développés,
le bain de fixateur devait être trop vieux. Il sont en outre
griffés. C'est irrémédiable. Les verts sont gris, les bleus
gris-vert, le rouge n'existe pas et les jaunes et oranges
sont d'un ocre sale. Envolée, la lumière. La couleur a filé
à l'égoût. J'en pleurerais bien.
L'amie
qui m'accompagnait a également pris des photos mais ce n'est
pas pareil. On n'a pas le même regard. Par chance, elle ne
les pas déposées au même endroit. Elle devrait les récupérer
cet après-midi. On pourra sauver les meubles. Quoi qu'il en
soit, je vous enverrai des notes assorties des meilleures
photos, même si ce ne sont pas les miennes.
NDLR
: ses photos ont par la suite été récupérées,
comme vous pourrez vous en rendre compte en parcourant son
carnet de voyage; il s'agissait surtout d'un mauvais tirage.
La suite
au prochain numéro. Je ne sais trop par où commencer; je vais
laisser décanter un peu. La nuit, j'ai des images plein la
tête, personne ne pourra me les enlever ou les abîmer.
Retour
à la réalité : une chose est certaine, il faut d'abord que
je résorbe la montagne de courrier - papier et électronique
- laissée en souffrance durant mon voyage. A bientôt, Sylvie.
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