Des
avions, des histoires et des peintures d'avions,
des contes, des nouvelles, des carnets de voyages
publiés par un peintre émigré en Alentejo.
Jean-Claude Petit
m'a écrit pour la première fois le 13
août 2002 :
"A
force d'évacuer les sites tapageurs, je désespérais presque
quand j'ai découvert enfin - et avec bonheur-, le site de
l'Alchimiste, celui que j'attendais sur le Portugal. Je vais
quitter le Pays basque (pourtant attachant) pour m' installer
en Alentejo. Je pars en reconnaissance courant septembre,
afin de trouver mon futur port d'attache qui sera sans doute
terrestre d'ailleurs (les prix flambent au contact de l'eau
de mer). Je prendrai le temps d'y chercher une ferme, un monte
à ma convenance où déguster comme vous, sur une pierre, une
tomate, un peu de presunto et un pastel de nata... "
Depuis, nos échanges
se sont très largement intensifiés, comme une amitié
qui s'installe alors que l'on ne s'est pas encore vus. Comme il
le dit d'ailleurs :
"A vous
lire, à nous raconter, qui aurait dit il y a seulement 20 ans que
nous ne nous sommes encore jamais vus? Cette triangulation Anjou,
Pays basque, Portugal a quelque chose de l'alchimie en effet. Sauf
que cornues, éprouvettes, bec de gaz et vif argent sont immatériels."
Nous avons échangé,
le temps d'un voyage, nos polarités portugaises. Lui est
parti vers le sud, vers sa terre promise. Moi, depuis mon Anjou
très provisoire, je suis allé à la rencontre
(qu'il me reste à vous conter) de ces bouts de terres nordiques
qui me faisaient encore défaut, pour mieux comprendre et
aimer ce pays.
Jean-Claude nous
relate ici son voyage en plusieurs pages avec une très belle
plume. Vous êtes également le bienvenu dans ses nuages, de
belles toiles aériennes à retrouver sur son
site.
Nous nous sommes
finalement rencontrés chez moi un peu avant le Noël
2002, dans une ambiance gourmande, avec bien entendu des tonnes
de choses à se raconter sur nos vies portugaises respectives.
En février 2003, nous nous sommes revus "sur le terrain"
suivant le même chemin du Portugal, à Béjar,
au sud de Salamanca, puis sur le nid d'aigle de Marvão.
Je vis pour l'instant encore au Pays basque. Il
n'avait pas connu d'été aussi pourri depuis longtemps. Horizon
bouché, routes bouchées. Normal, quand le touriste s'ennuie,
il tue le temps à rouler.
Moi j'avais une consolation de taille : je savais
que j'irais me refaire une santé en Alentejo vers le 15
septembre. Début août déjà, je consultais chaque matin la
météo d'Évora qui affichait des 30 et 35 alléchants.
Mais des circonstances imprévisibles ont différé mon départ
au 19 octobre. J'ai pris mon parti de m'y rendre coûte que
coûte, sachant toutefois (d'après Météo
Consult) qu'Évora
avait retourné sa veste dès la mi-septembre : soleil en
morceaux, fortes averses, des 12° au matin comme à Birmingham…
Ce 19 octobre 2002, tempête de ciel bleu sur la
Navarre. Il soufflait un vent chaud (22° à 06h) de type
foehn. Sale temps pour les palombes ! Mais moi, je n'avais
qu'une idée en tête en franchissant les cols brossés vigoureusement
par les rafales charriant des nuées de feuilles mortes :
tailler la route, avaler Pampelune, le brouillard signalé
de Burgos (sempiternel), Valladolid. Je lèverais
le pied après Salamanca, dès les premières ganaderias
aperçues, celles qui m'avaient fait dire lors de mon dernier
passage en juin : Olé, j'arrive !
Mais là point de ces splendides toros dans
les prairies bouquetées de chênes verts. On les avait rentrés
au sec. Plafond soudé, fraîcheur, mais peu avant Càceres,
un magnifique ciel de traîne parsemé d'averses violentes,
mais heureusement très courtes. Càceres était le
point que j'avais choisi pour aviser, car mon programme
était encore confus. Je voulais découvrir Marvão,
Monsaraz, revoir Évora
mais y séjourner un peu, revivre à Vila Nova de Milfontes,
faire mon pèlerinage annuel au Cabo
Espichel, m'acquitter de formalités à Lisboa
et remonter en Trás os Montes pour embrasser
la famille et goûter le bourrut, c'est-à-dire le jus nouveau.
Cela faisait beaucoup pour un périple de trois semaines.
ACàceres, donc, ou bien je rejoignais Badajoz
et entrai dans mon paradis par Elvas, ou bien j'allais
sagement trouver le gîte à la frontière. A l'intuition,
j'ai choisi le cap 270, plein ouest, direction Valencia
de Alcàntara. Région totalement inconnue pour moi. C'était
bon, mais un peu rapide, quoique je n'excède jamais la vitesse
réglementaire. Alquimista m'avait pourtant conseillé un
itinéraire de contemplatif
par les routes secondaires. J'ai cédé au plus court et au
plus facile. Qu'il me pardonne d'avoir laissé passer le
Tajo, les lacs où il paresse, les campagnes qu'il
arrose et les multiples arroyos qui l'alimentent.
Pas un gato sur l'asphalte, à part quelques
gros 4X4 madrilènes qui rentraient à bride abattue à la
maison, corrigés toutefois par une Guardia Civil
"radarisée" qui ne plaisante pas avec les fous furieux,
surtout quand la route est à ce point luisante. En dépit
de ma modération, j'ai "raté" tous les Patas
Negras qui "glandaient" sous les chênes
et j'ai eu le sentiment de voyager comme un âne. J'avais
800 kilomètres dans les mollets, les bras et les cervicales.
J'avais connu tous les temps, fait l'impasse sur les pauses,
mangé et bu au volant (œufs durs, raisins secs, Volvic).
A déconseiller. Mais que voulez-vous, le paradis, ça se
gagne à l'huile de coude. Naguère, j'ai même fait des Genève-Mondim
de Basto insensés. Quelque 1700 km avec dîner à Saint-Jean
de Luz et trois heures de ronflette dans un village perdu
(mais endormi) entre Castille y Leòn.
Oliviers entre
Marvão et Castelo de Vide
Première longue pause à Valencia de Alcàntara.
J'étais au sud ! Que pouvait-il m'arriver de mieux ? J'ai
débarqué dans un salon de thé très animé (ils le sont tous
le dimanche) pour boire une bière. Deux cars du 3e âge sont
arrivés, je n'ai pas eu le temps de siroter. Il y avait
urgence. Première découverte d'aventurier : j'ai été fort
surpris de voir la plupart des passagers dégainer leur portable
dans le saloon et converser très fort, qui avec leurs enfants,
qui avec leurs petits enfants, cousins, voisines… J'ai déguerpi,
direction Castelo de Vide.
Mais les ultimes rayons du soleil m'ont désigné
Marvão
de manière si éclatante que je n'ai pas résisté à l'escalade
du Ninho de àguias, perché bien plus haut encore
que je ne l'avais imaginé. J'ai abordé la porte étroite,
me suis faufilé jusqu'à une place minuscule, coupé le contact
et fait ouf ! Mon aventure pouvait commencer.
NDLR
: En fait, le voyage commence vraiment une fois arrivé à
Salamanca. Je vous conseille, si vous en avez l'occasion,
de prendre la route C512 à Salamanca puis la SA210 pour
gagner la Sierra de la Peña de Francia jusque La Alberca,
de traverser ensuite le pays de "Las Hurdes" par la EX204
jusque Perales de Puerto, Moraleja, Alcántara et enfin la
frontière et Marvão.