Dans
la serra, du côté de Cintados, il y a mon berger
préféré. Mais ce jour là, il y eut cet homme qui posa
fièrement avec son fidèle compagnon. Il était arrivé une heure
plus tôt, au gré de son troupeau qui tintinnabulait, au creux
des cistes, surgissant finalement derrière les moutons qu'il menait
à la rivière.
Nous
nous étions posés près d'un antique et rare point de passage de
la ribeira do Vascão, un de ces lieux vivifiants que j'affectionne
dès que les arbres d'ici tètent le chaud soleil de fin d'hiver.
Une eau fraîche et généreuse y coule, partout où elle le peut,
déborde des vestiges d'un canal qui s'éteint avant d'arriver au
moulin tout aussi abandonné. Les grands eucalyptus paraissent
sympathiques, on y entend comme un bruissement odorant, à l'heure
de s'abandonner à la rêverie d'un léger sommeil. Le souffle rapide
des eaux, le courant de l'air, l'herbe verte et toutes ces fleurs
ne laissent pas présager un instant de la sécheresse qui s'installera
en été.
L'homme
nous conta sa grande solitude et les affres de son métier de berger,
quand l'agneau de 40 kilos sort à 50 euros de chez lui et que
quelques costeletas de borrego sont facturées au moins
10 euros sur la table du premier venu des restaurants de la côte.
Il lança quelques gestes et paroles aux touristes qui ne viennent
jamais ici, qui ne mesurent pas les difficultés de son
métier mais, Dieu merci, il n'avait aucun don naturel pour l'invective,
juste un peu de rudesse paysanne. Il ne connaissait pas et ne
connaîtra jamais son bonheur d'être au milieu de cet
écrin secret.