A
la fin de ce voyage en hiver, après un séjour
un peu gris en Algarve, j'entrais dans une bulle de bonheur
qui avait commencé à gonfler à midi,
à la rencontre de ce berger dans son écrin
secret. Cette bulle allait persister tout au long
des quelques journées passées dans cette région
de l'est de l'Alentejo que j'affectionne particulièrement.
Dès la ribeira de Vascão franchie vers
le nord, une quiétude
m'envahit immanquablement sur les chemins qui mènent
à Mértola et puis vers Serpa,
où je me rendais ce jour-là pour visiter la
Feira do Queijo do Alentejo.
Quel
plaisir ce fut de déambuler, dans une atmosphère
très bon enfant, et de goûter et de humer parmi les
stands tous ces délicieux produits de bouche de cette région
ou d'autres voisines comme l'Estrémadure espagnole ou plus
lointaines comme le Trás-os-Montes. Les étals
du fameux Queijo de
Serpa étaient sertis de jambons,
charcuteries et huiles d'olive des meilleurs crus, le tout enjolivé
des produits de l'artisanat local : tissage,
céramique et poterie. J'y ai cherché et trouvé
une délicieuse spécialité du nord goûtée
la veille au sud à Faro, une Alheira
de Mirandela*, d'un format en fer à cheval
de petit saucisson fumé, mais dont le contenu rappelle
la consistance des rillettes et qui se déguste grillée.
Tout à côté se déroulaient interminablement
des discussions très sérieuses sur le devenir de
ces productions agroalimentaires. De beaux livres de gastronomie
du pays y étaient également attablés.
Le soir
même, j'allais me retrouver pour quelque temps à
Moura, descendant à l'hôtel
du même nom avant de calmer mon appétit en
compagnie de belles costeletas de borrego au Trilho,
arrosé d'un Vinho de Pias un peu surfait comme l'avait
annoncé la patronne, qui sait mettre en avant les bons
vins de la région. Tout a continué ensuite dans
les rues de la vieille ville, dans l'ambiance sincère du
Carnaval, avant une nuit bien méritée au calme.
Quelques
jours plus tard, une fois sorti de la bulle, alors que je suivais
un peu distraitement le ruban noir qui mène à Cáceres,
j'eus comme une impression sourde, presque douloureuse, que j'avais
fini mon long voyage au Portugal, ce qui se confirma par la suite.
C'est
peut-être pour ça que j'ai envie de vous raconter,
dans cette chronique, d'autres instants de cette bulle de bonheur,
à Mourão, à Monsaraz, à
Alqueva, à Barrancos. De quoi inaugurer une
seconde vie portugaise qui voudrait bien commencer, sous une forme
ou l'autre, in situ ou ailleurs.
*Alheira de Mirandela : Source d'informations
: Produtos Tradicionais Portugueses, Ministério da Agricultura,
do Desenvolvimento Rural e das Pescas, Secretaria de Estado do
Desenvolvimento Rural Direcção-Geral de Desenvolvimento Rural,
Lisboa 2001.