Trop de
gens attendent tout du voyage sans s'être jamais souciés de ce
que le voyage attend d'eux. Ils souhaitent que le dépaysement
les guérisse d'insuffisances qui ne sont pas nationales mais humaines.
Et l'ivresse des premières semaines où, tout étant nouveau, vous
avez l'impression de l'être vous-même, leur donne l'impression
qu'ils ont été exaucés.
Puis, quand
le moi dont ils voulaient discrètement se défaire dans la gare
du départ ou dans le premier port les retrouve au détour d'un
paysage étranger, ce moi morose et solitaire auquel on pensait
avoir réglé son compte, ils rendent responsable le pays où ils
ont choisi de vivre.
Le voyage
ne vous apprendra rien si vous ne lui laissez pas aussi le droit
de vous détruire. C'est une règle vieille comme le monde. Un voyage
est comme un naufrage. Et ceux dont le bateau n'a pas coulé ne
sauront jamais rien de la mer. Le reste c'est du patinage ou du
tourisme.