Dimanche
19 mars, petit matin grisailleux, avion pour Faro.
Atterrissage plein Sud... Il est 9 heures, heure locale, le
soleil brille déjà dans le ciel. Parfum puissant de plantes
aromatiques. Très vite, nous roulons vers notre lieu de résidence,
à un jet de pierre de Tavira : Almargem, Casa Val del Rei.
C'est
là que Rui Pita, nous accueille, un peu ébouriffé, souriant
et chaleureux. Ça alors : tous les portugais ne sont donc pas
petits, râblés, noirauds, moustachus ? Eh bien non. Celui-ci,
je l'avais d'abord pris pour un touriste ! équilibre instable
de Tournesol - pour la distraction - et de Peter O Toole - pour
l'oeil bleu intemporel -, il a le teint nordique, l'humour britannique
et l'accent ... français, eu égard aux études qu'il fit à Toulouse.
Ça m'apprendra à faire dans le cliché.
Nous allons nous plaire ici
|
Marie-Thérèse,
qui habite "tout à côté" - à quelques kilomètres d'orangers
- et s'occupe de l'intendance, nous fait les honneurs de la
maison; c'est elle aussi qui fournit les hôtes de Rui en oeufs
frais et en oranges pour le petit-déjeûner, qui se prend sur
la terrasse, dans un jardin sauvage agrémenté d'une mare où
coassent allègrement les grenouilles. Pour les amateurs de fraîcheur,
il y a une piscine mais seuls les Allemands y piquent une tête
en cette saison.
Nous
allons nous plaire ici. Calme et douceur de vivre. Tout ici
respire la tranquille force du Sud. La bâtisse, une ancienne
ferme reconvertie en gîte rural, s'étire au sommet d'une colline
d'où l'on découvre les plantations d'oliviers et d'orangers.
Les bougainvillées prennent d'assaut la façade, tandis qu'un
jasmin exubérant s'accapare l'entrée. Tout au long de notre
séjour, son parfum nous enivrera au moindre souffle, parfois
mêlé à l'oriental capiteux du datura. Rui nous indique quelques
points d'entrée dans le pays.
Cacela Velha, les petites rues sont désertes
|
Pour
l'heure, nous filons directement au marché gitan de Vila
Nova de Cacela, histoire de prendre la température et de
trouver quelque chose à jeter dans nos estomacs creux. Quel
monde ! des touristes allemands se font plumer dans un joyeux
tohu-bohu.
Mademoiselle,
regarde, jolie nappe, jolie, schön, unique, c'est ma Mère -
Mutter - qui l'a faite, pour toi, combien, bon prix, cadeau,
combien tu donnes, wieviel ? Non, non, pas de marchandage aujourd'hui,
pas de nappe brodée ni de chaussures "pur cuir", on a bien le
temps, on reviendra, promis.
Ouf,
on s'esquive, trop de monde, trop de bruit, trop tôt. Quelle
ambiance. Besoin de calme. Un premier poulet grillé, emporté
en pic-nic jusque Cacela Velha, fera les frais de notre
appétit.
Une barque échouée sur les pavés
|
Cacela
Velha, où une barque échouée sur les pavés semble attendre une
improbable vague, pas loin d'une cabine téléphonique au charme
désuet. Cacela Velha, inattendu, paisible village accroché
avec sa forteresse au sommet d'un promontoire qui domine la
côte sauvage et la lagune.
Les
petites rues sont désertes en ce début d'après-midi, seul un
chat s'étire paresseusement tandis qu'un chien file droit devant
lui, l'air fort occupé. Cacela Velha, petit bijou lumineux.
Déjà, nous étions perdues, la lumière s'était glissée dans nos
veines...
Un
escalier mène à la mer entre figuiers et genêts. Pas besoin
d'aller très loin, une barque retournée nous accueille, le temps
que nous fassions son affaire au poulet grillé pimenté. Balade
sur la plage. Quelques barques échouées
attendent la marée. Il fait délicieux. L'air est salin et iodé.
Cacela Velha, la forteresse
|
Une cabine téléphonique au charme désuet
|
Un escalier mène à la mer entre figuiers et genêts
|
Quand
enfin nous remontons, tenaillées par la soif, nous n'avons plus
qu'une envie : nous noyer dans une Imperial! Elle
est à la hauteur de notre attente, fraîche et légère. Bonheur.
Avant
de quitter Cacela, nous passons dans les allées du cimetière
pour constater que les tombes sont bien différentes de chez
nous : ce que je prenais pour des colombarium sont en fait des
niches abritant les cercueils. Un petite porte vitrée permet
de déposer offrandes, fleurs, et autres témoignages d'affection.
Autres
pays, autres moeurs, autre relation à la mort aussi, comme nous
devions encore en faire la surprenante expérience plus tard.
Déjà le jour tire à sa fin.
Pas
envie de courir très loin pour souper. A Barquinha,
sur le quai, derrière l'ancien
marché couvert de Tavira, nous accueille
d'une poêlée d'ameijoas et d'un Bife de Atum.
On fait glisser le tout sur un air de Vinho Verde,
bien frais, léger, et nous voilà prêtes à tomber dans
les bras de Morphée. Il n'est pas tard mais la fatigue
se fait sentir.
On
se demande si on va pouvoir dormir. C'est calme, hein? Oui,
mais qu'est-ce que ça fait comme boucan les grenouilles... et
les grillons... Pourtant, comme par enchantement, on a glissé
sur l'autre rive et c'était déjà demain.
|