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Visions d'Automne
Jean-Claude Petit

 

Ebora Liberalitas Julia

Raça alentejana

Mercredi 23 octobre. Ebora Liberalitas Julia, c'est le nom latin que portait Évora, bien avant le telemóvel.

Je m'y rends pour réparer une vieille faute, aussi grave que celles commises à l'égard de Rome et de Venise. Rome, j'y suis venu, j'ai vu et j'en suis reparti comme un voleur, bouffé par les gaz d'échappements des vespas et des autos. Idem pour Venise et pour Évora que j'avais négligées, me disant qu'un jour, j'approfondirais. Car on ne peut pas, sous peine d'être le dernier des philistins, survoler en dilettante de tels berceaux de civilisation.

J'ai donc quitté Marvão avec l'idée fixe de me "faire" Évora, dont on m'avait dit grand bien et que j'avais traversée naguère en coup de vent, sur ma route Genève/Sesimbra. En route, j'ai trouvé ce que je cherchais et que j'aime tant dans cette péninsule : azinheiras, montados éclatants parsemés de troupeaux. En préambule, j'ai mitraillé des toros sur une herbe d'un vert jaune tiré de ma palette acrylique préférée.

Moi qui suis habitué aux traversées continentales en un temps record (telle que Hendaye-Marvão non stop), je suis étonné par ma propension à ramer. Les cent kilomètres me parurent valoir le triple. J'ai enfin atteint Évora, mais à l'heure des grandes excitations urbaines du soir. Je me suis fié au Routard et bien m'en a pris. Le Solar Monfalim était à mon goût et quand la réceptionniste m'a annoncé 41 €, j'ai dis OK avec empressement. J'ai eu la chambre de rêve dans un palais de rêve où j'ai transporté tous mes précieux impedimenta : sacoche photo, ordinateur, valise, tableau. Parking réservé au pied de l'entrée, un luxe encore. Tout pour plaire à un bourgeois en villégiature.

Solar Monfalim

Première balade sur la praça do Giraldo, plaque tournante de la ville. J'y rencontre un monôme d'étudiants encapuchonnés de noir. Je suis surpris par l'indifférence des centaines de pigeons et d'Évorenses à cette manifestation. Sans doute en ont-ils vu et en verront d'autres. Je ne comprends pas leurs incantations. Je comprends seulement les pancartes de honte attachées au cou de certaines jeunes filles en bizutage, quasi dévêtues : Avó de filha de puta et irmã de filha de puta… Vaste programme ! Je réalise que nous sommes très loin de Braga, dont on dit qu'elle prie tandis que Porto travaille et que Lisboa s'amuse. Braga encore, seule ville au monde à entretenir une statue de l'austère et très controversé Pie XII.

Je me régale du spectacle de ces étudiants en essayant de les projeter dans la vie active. Telle Avó sera peut-être dans deux ans, une Senhora Juíza redoutée. Telle filha, attachée au ministère des affaires étrangères. Telle irmã sera Doutora advogada, au barreau de Braga, justement, ou pharmacienne à l'enseigne de la Casa da Misericórdia.

Les marchandes de marrons chauds font autant partie du décor que les pigeons et les monuments dont j'ai déjà glané des paquets de dépliants. Jolies boutiques, arcades joliment bancales, gens affables. Bien sûr, je me tape dans le seul gagou, le seul fou du village, un grand escogriffe barbu qui soliloque, va et vient et me prend pour interlocuteur. Je le retrouverai à chaque instant dans mes pattes. Il m'inquiète, mais j'ai tort, tout comme j'ai tort de me méfier de tout le monde. Je ne laisse personne m'approcher sans que je contrôle : le traumatisme d'Alfama (voir Lisboa) est encore trop présent.

J'ose cependant les ruelles et entre au restaurant Adega do Alentejo, tant encensé par le Routard. Je ne suis pas déçu. J'y déguste une superbe dorade al dente dans un magnifique décor de pipas. Service attentif en français, quoique je n'aie rien demandé.

Et je rentre chez moi, dans mon palais, la tête pleine de femmes pressées qui téléphonent. Car tout le monde téléphone. Partout ça bipe, sur des airs de Beethoven, Vivaldi, les Beatles. Je vois encore cette vieille dame, une mémé chargée de deux cabas. Soudain, retentit une zizique arrangée façon "telemóvel" : j'identifie Rondo alla turca de Mozart, dirigé par le disc jockey inconnu. La mémé réalise qu'on l'appelle. Sur sa lancée, elle fait encore trois pas, bien lentement, pose et cale ses sacs bien verticalement, fouille au hasard parmi poireaux, carottes, agriões. Le zip est coincé. Extraction enfin de l'engin, mais trop tard… Mozart s'est tu.

J'ai aussi dans l'œil et dans le nez, l'image des bus évorenses : sales, puants de gas oil, mais arborant fièrement Património Mundial. Je ferai un rapport aux édiles ! Património Mundial appelle pour moi les énergies propres sur elles : gaz naturel, électricité, énergie musculaire, comme à Lucca, en Toscane, où princes, banquiers, ouvriers, poètes et paysans roulent à vélo. Faudra être patient.

Et Rome dans tout ça ?

Jeudi 24 octobre. Il fait un froid désagréable, humide, pesant. Je tente la cathédrale (Sé) aux remarquables bulbes saintongeais, comme à Saintes, comme à Poitiers. Je vais et je viens, la goutte au nez, les yeux noyés de larmes. Mais je n'ai plus aucune envie de Rome, de Romains, de colonnes. Comme un philistin encore, je visite Évora par le petit bout de la lorgnette. Je découvre la boutique Coronel Tapiocca, un lieu magique : ici, tout pour l'explorateur, mais le friqué, pas le routard chevelu. Chemise de flanelle vraiment chic et confortable pour bien 100 €… Mais j'ai des scrupules à grignoter ma réserve de cash. Ma carte VISA vient d'être refusée à la librairie pour l'achat de Poejos e outras ervas. Problème de dépassement de l'autorisation mensuelle chez les commerçants. Je passe une partie de la matinée au téléphone avec ma banque qui m'arrange le coup. Mais ce sera pour demain.

Le soir, après avoir cherché avec soin le restaurant qui me convenait, je choisis O Antão pour un coelho bravo. Accueil guindé du garçon encore frais émoulu de son école d'hôtellerie. Trop de chichis, alors qu'on me désigne la plus mauvaise place où j'ai le dos exposé à un courant d'air vicieux. Accueil ironique et sans doute sarcastique de la patronne que mes balbutiements en portugais font tordre de rire. J'ai failli foutre le camp. "Monsieur est malade ?", ai-je cru comprendre dans les conneries qu'elle me débite. Finalement, parlant un français tout à fait au point, elle deviendra aimable et attentive, quoique obséquieuse. Un sosie tout craché de Linda de Souza.

Elle se fera enfin totalement respectueuse lorsqu'elle réalisera que je suis quelqu'un de bien : le garçon, tête en l'air (amoroso) m'avait rendu non seulement ma monnaie sur 25 €, mais en plus, mes deux billets de 20 et 5 €… Pour un type dont la carte VISA était suspendue jusqu'à minuit, je trouve que j'ai fait preuve d'audace et de grandeur d'âme.

C'est donc encore plus ou moins raté pour Évora. Ce sera pour une autre fois. Je file "dans le midi", vers Vila Nova de Milfontes. Le froid m'est insupportable, mais je ne savais pas encore - à l'époque - que je deviendrais bientôt citoyen d'Alcácer do Sal, voisin de 80 Km seulement. J'ai donc tout mon temps pour approfondir Ebora Liberalitas Julia et ne pas m'en tenir au telemóvel.


Évora à l'aube, en venant d'Estremoz, au printemps 1994. Photo © Alquimista.

 
 
Page © Alquimista.net, màj 7 avril 2003.
Texte et Photos (sauf ci-dessus) © Jean-Claude Petit , optimisées Alquimista.
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